Monsieur le Premier Ministre,
Madame la Ministre de la Justice,
Les quinze procureurs du Roi de notre pays vous adressent cette lettre ouverte afin d’attirer votre attention sur la situation alarmante de la justice dans notre pays. Il est historique que l’ensemble des procureurs du Roi se mobilisent pour un message commun. Nous espérons que vous comprenez pleinement l’importance et la portée de cette action exceptionnelle.
Depuis plusieurs décennies, les citoyens de ce pays réclament—et à juste titre—une justice de meilleure qualité. En tant que chefs de corps des parquets belges, nous soutenons pleinement cette demande. C’est aussi pour cette raison que nous nous réunissons aujourd’hui.
Malgré les nombreuses marches blanches, malgré les multiples revendications des citoyens, et tout particulièrement des nombreuses victimes, malgré les recommandations claires du Conseil supérieur de la justice, malgré les demandes persistantes de la magistrature elle-même, nous ne constatons toujours pas d’améliorations significatives et structurelles. Les tentatives entreprises au cours des dernières décennies sous forme de mesures ponctuelles ne répondent manifestement pas aux standards que notre société est en droit d’attendre d’une justice moderne.
Nous sommes convaincus que les citoyens et la société ont besoin d’une vision à long terme en matière de sécurité, au-delà des cycles législatifs. La justice doit être bien plus qu’un simple poste budgétaire. La justice est une mission essentielle de l’Etat, qui concerne les individus, l’équité et la préservation de l’état de droit démocratique et du bien-être collectif.
Nous appelons donc le gouvernement et le parlement à enfin fournir des efforts sérieux, avec des investissements structurels et à long terme indispensables. Il ne faut plus d’actions superficielles.
Les magistrats et les membres du ministère public remplissent leur mission avec sérieux et dévouement chaque jour. Dans une société de plus en plus complexe, confrontée à des phénomènes sociaux délicats et à des réseaux criminels internationaux, cela représente un défi considérable. Nous continuerons à travailler avec passion et engagement, mais il est évident que les résultats concrets ne pourront être obtenus que si des investissements sérieux et structurels sont effectués dans notre système judiciaire.
La situation sur le terrain est particulièrement préoccupante—ce qui devrait être bien connu de tous à présent. Elle pèse sur nos équipes, qui ne peuvent plus répondre à leur mission sociétale. Des enquêtes sont menées, des audiences ont lieu, mais au final, les criminels sont condamnés à des peines de prison qui ne sont que rarement exécutées. Les jeunes délinquants ou les dizaines de milliers de mineurs en situation préoccupante ne peuvent être pris en charge en raison d’un manque de places dans les institutions. Les peines alternatives, davantage encore mise en avant par le nouveau code pénal, ne sont pas suffisamment appliquées ou le sont après des délais excessifs faute de moyens pour les maisons de justice ou les autres acteurs de la chaîne judiciaire. Cette situation schizophrénique suscite chez les citoyens, les victimes et les membres de la justice des interrogations fondamentales sur le sens même de leur travail quotidien.
Qui sera tenu responsable si un dysfonctionnement survient dans la chaîne judiciaire ?
Depuis des années, nous lançons des signaux d’alarme—mais apparemment pas assez fort.
Tous les parquets souffrent d’un manque de magistrats, basé sur des cadres législatifs obsolètes et inadaptés. Il n’y a que peu d’efforts pour rendre les carrières de magistrat, juriste de parquet, criminologue ou assistant administratif plus attractives. Pire encore, comme nous l’avons vu récemment avec les mesures de pension annoncées sans consultation préalable.
La charge de travail et la pression sur nos équipes sont considérables. Nous devons sans cesse établir des priorités : quelles affaires pouvons-nous traiter et lesquelles devons-nous abandonner ? Où trouver suffisamment de policiers pour mener des enquêtes, des traducteurs, des interprètes, des experts judiciaires, des dépanneurs ? Cette situation est inacceptable !
Nombre de bâtiments sont délabrés et présentent des risques majeurs pour nos équipes et pour les citoyens voulant assister à leurs audiences : des plafonds menacent de s’effondrer, des murs sont couverts de moisissures, des animaux nuisibles circulent librement.
De nombreux projets indispensables à la transformation numérique sont sans cesse repoussés.
La sécurité physique du personnel judiciaire et des magistrats ne peut être garantie, malgré la recrudescence des menaces personnelles dont ils sont la cible, comme en témoignent récemment les médias.
Le récent accord fédéral souligne la nécessité d’investir dans la sécurité, notamment en renforçant le nombre de magistrats et de collaborateurs. Ces paroles sont encourageantes et porteuses d’espoir pour les justiciables et pour notre profession.
Cependant, nous demandons aujourd’hui—plus que jamais—que ces paroles se traduisent en actes. Faire des promesses vides ne fait qu’alimenter la frustration et l’incompréhension, mettant en péril notre modèle sociétal précieux.
Monsieur le Premier Ministre, Madame la Ministre, nous avons été informés de la création de groupes de travail pour analyser certaines des problématiques évoquées. Nous accueillons cette initiative et sommes disposés à y participer de manière constructive. Il doit cependant être clair que cet effort ne doit pas être un simple cadre théorique sans perspectives concrètes.
Notre inquiétude demeure, d’autant plus qu’il nous est impossible de savoir à quel point l’ensemble du gouvernement soutient cette approche et s’engage à appliquer les recommandations des groupes de travail. Le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire est-il véritablement une priorité pour ce gouvernement ? Nous espérons que cela se traduira rapidement par des actions concrètes et tangibles qui nous permettront d’exercer nos missions et de garantir à nos concitoyens une justice enfin efficace et digne.
La justice est épuisée. Il est temps d’agir
DE
Offener Brief aller Prokuratoren des Königs an die Föderalregierung
Herr Premierminister,
Frau Justizministerin,
Die fünfzehn Prokuratoren des Königs unseres Landes senden Ihnen diesen offenen Brief, um Ihre Aufmerksamkeit auf den alarmierenden Zustand der Justiz in unserem Land zu lenken. Es ist noch nie da gewesen, dass alle Prokuratoren sich zusammen für eine gemeinsame Botschaft entscheiden. Wir hoffen, dass Sie die Bedeutung und die Tragweite dieser außergewöhnlichen Aktion voll und ganz verstehen.
Seit vielen Jahrzehnten fordern die Bürger dieses Landes - zu Recht - eine bessere Qualität der Justiz. Als Behördenleiter der belgischen Staatsanwaltschaften unterstützen wir diese Forderung voll und ganz. Deshalb sind wir heute zusammengekommen.
Trotz der vielen weißen Märsche, trotz der häufigen Forderungen der Bürger, nicht zuletzt vieler Opfer, trotz der klaren Empfehlungen des Hohen Justizrats, trotz der anhaltenden Forderungen der Justiz selbst sehen wir heute noch keine signifikanten und strukturellen Verbesserungen. Die Versuche, die in den letzten Jahrzehnten durch Ad-hoc-Maßnahmen aller Art unternommen wurden, entsprachen eindeutig nicht den Standards, die unsere Gesellschaft von einem modernen Justizsystem erwarten sollte.
Wir glauben, dass die Bürger und die Gesellschaft eine langfristige Vision in Sachen Sicherheit brauchen, die über eine einzige Legislaturperiode hinausreicht. Die Justiz sollte mehr sein als nur ein Haushaltsposten. Die Justiz ist ein zentraler Dienst des Staates bei der es um Menschen und Gerechtigkeit geht, sowie darum, den demokratischen Rechts- und Sozialstaat zu erhalten.
Wir fordern daher die Regierung und das Parlament auf, endlich ernsthafte Anstrengungen zu unternehmen, mit dringend benötigten strukturellen und langfristig notwendigen Investitionen. Es werden keine oberflächlichen Maßnahmen benötigt.
Die Magistrate und Mitglieder der Staatsanwaltschaft erfüllen ihre Aufgaben jeden Tag mit großer Ernsthaftigkeit und Hingabe. In einer zunehmend komplexen Gesellschaft mit vielen komplexen gesellschaftlichen Problemen und internationalen kriminellen Netzwerken, ist dies eine ziemliche Herausforderung. Wir wollen und werden mit viel Leidenschaft und Überzeugung unsere Arbeit leisten, aber es ist klar, dass echte Ergebnisse nur erzielt werden können, wenn ernsthafte und strukturelle Investitionen in unser Justizsystem getätigt werden.
Besonders beunruhigend ist die Lage vor Ort, die nun – hoffentlich – allen bekannt ist. Dies belastet unsere Kollegen, da sie ihre gesellschaftliche Mission nicht erfüllen können. Ermittlungen werden durchgeführt, Gerichtsverhandlungen finden statt, aber letztendlich werden die Täter zu Gefängnisstrafen verurteilt, die kaum vollstreckt werden. Junge Straftäter oder viele zehntausende Minderjährige, die sich in einer besorgniserregenden Erziehungssituation befinden, können nicht durch einen Mangel an Plätzen in den Gemeinschaftseinrichtungen untergebracht oder unterstützt werden. Alternative Strafen, wie im neuen Strafgesetzbuch nachdrücklich hervorgehoben, werden nicht ausreichend oder nur nach unangemessenen Verzögerungen umgesetzt, weil Ressourcen bei Gerichten oder anderen Partnern der Justiz fehlen. Diese schizophrene Situation wirft grundlegende Fragen nach dem Sinn unserer täglichen harten Arbeit für Bürger, Opfer von Straftaten und Justizpersonal auf.
Übrigens, wer wird zur Verantwortung gezogen, wenn es irgendwo in der Justizkette schief geht ... ?
Viele Jahre lang läuteten wir die Alarmglocke, aber anscheinend nicht laut genug.
Alle Staatsanwaltschaften arbeiten mit einem Mangel an Magistraten und dies auf der Grundlage veralteter und unangemessener gesetzlicher Kader. Es gibt wenig oder keine Bemühungen, um eine Karriere als Staatsanwaltsanwalt, Jurist, Kriminologe oder Verwaltungsmitarbeiter attraktiver zu machen. Im Gegenteil, wie unlängst gezeigt wurde, als die Rentenmaßnahmen ohne vorherige Konsultation angekündigt wurden.
Die Arbeitsbelastung und der Druck auf unsere Mitarbeiter sind bedeutend. Als Prokuratoren müssen wir in unserer Verfolgungspolitik und bei unseren Ermittlungen immer mehr Prioritäten setzen: In welche Phänomene und Strafakten werden wir investieren und in welche werden wir nicht mehr investieren. Wo finden wir genügend Polizeibeamte, um Ermittlungen durchzuführen, oder Übersetzer, oder Dolmetscher, oder Gerichtssachverständige, oder Abschleppdienste, oder...? Diese Situation ist inakzeptabel!
Viele Gebäude befinden sich in einem schlechten Zustand und stellen sowohl für unsere Mitarbeiter als auch für die Bürger, die an ihren Gerichtsverhandlungen teilnehmen möchten, erhebliche Risiken dar. Einige Decken sind einsturzgefährdet, es gibt Schimmel an den Wänden, es liegt Schädlingsbefall vor.
Viele Projekte im Zusammenhang mit der dringend benötigten digitalen Umwandlung werden ständig verschoben.
Die physische Sicherheit des Justizpersonals und der Magistraten kann trotz der zunehmenden persönlichen Bedrohungen für unsere Mitarbeiter nicht ausreichend gewährleistet werden, wie die Medien kürzlich gezeigt haben.
Das jüngste föderale Regierungsabkommen betont die Notwendigkeit, in Sicherheit zu investieren, unter anderem durch die Erhöhung der Zahl der Magistraten und Angestellten. Diese Worte sind sicherlich ermutigend und hoffnungsvoll sowohl für den Rechtssuchenden als auch für unseren Beruf.
Doch heute und mehr denn je fordern wir Kohärenz zwischen Worten und Taten. Leere Versprechungen nähren nur die Frustrationen und das Unverständnis. Es untergräbt unser wertvolles Gesellschaftsmodell.
In der Zwischenzeit, Herr Premierminister, Frau Ministerin, wurden wir über die Einsetzung von Arbeitsgruppen informiert, die einige der oben genannten Fragen prüfen sollen. Wir begrüßen diese Initiative und sind bereit, konstruktiv mitzuwirken. Es muss jedoch klar sein, dass es für uns mehr als nur ein weiterer theoretischer Rahmen der Konsultation mit einer ungewissen Zukunft sein muss.
Unsere Sorge bleibt daher umso mehr, als uns völlig unklar ist, inwieweit die gesamte Regierung diesen Ansatz unterstützt und tatsächlich bereit ist, an den Schlussfolgerungen und Empfehlungen der Arbeitsgruppen zu arbeiten. Inwieweit ist das Funktionieren des Justizsystems wirklich eine Priorität für diese Regierung?
Wir hoffen daher, dass sich dies bald in realen und sehr konkreten Maßnahmen umsetzen lässt, die es uns ermöglichen, unsere Mission zu erfüllen und unseren Mitbürgern eine endlich effiziente und würdige Justiz anzubieten.
Die Justiz ist erschöpft. Es ist Zeit zu handeln.